EDITO : Un développement durable en région Marseillaise, opportunité ou utopie ?

Publié le par Bruno Mondet

Située à la croisée des axes Nord-Sud et Est-Ouest, la région Marseillaise bénéficie dʼune position centrale dans le bassin méditerranéen. Le port Marseille-Fos, troisième port pétrolier au monde, alimente lʼEurope, la région et plus particulièrement les industries pétrochimiques situées sur le pourtour de lʼEtang de Berre. Lʼaéroport international de Marseille-Marignane est quant à lui le deuxième aéroport français de fret et se positionne en quatrième place en terme de trafic passager. Lʼactivité économique de plus de 153 000 entreprises génère près de 748 000 emplois mais le taux de chômage y reste supérieur à la moyenne nationale. Le département bénéficie de lʼimplantation de 5 pôles de compétitivité sur les thèmes de lʼénergie, les communications sécurisées, la santé, la gestion des risques, lʼoptique et la photonique.

Lʼagglomération Aix-Marseille est la deuxième concentration urbaine de France avec 1,5 millions dʼhabitants. Le département des Bouches du Rhône est délimité à lʼouest par le delta du Rhône, au nord et à lʼest par les contreforts des Alpes et au sud par la mer Méditerranée, 50% de ce territoire est classé en espaces naturels (ZNIEFF, Natura 2000...).

La région bénéficie dʼun climat méditerranéen qui se caractérise par un ensoleillement très important et des périodes de très fortes chaleurs en été. Balayés par le mistral qui peut souffler en très fortes rafales, les paysages très variés sont érodés par des pluies peu nombreuses mais souvent violentes. Calanques, zones humides, garrigues, massifs rocheux, pinèdes, steppe aride : la diversité des paysages des Bouches du Rhône concoure à la richesse de la biodiversité régionale reconnue dans les cadre des «Hotspots»  du bassin méditerranéen.

Ces quelques données brossent un portrait rapide de cette région emblématique et permettent de cerner les enjeux auxquels elle est confrontée dans le cadre de son développement qui se doit dʼêtre durable.

 

Etang de Berre : un sauvetage envisageable

 

La géographie des Bouches du Rhône se caractérise entre autres par la présence de deux zones humides remarquables : la Camargue, formée par le delta du Rhône, et lʼétang de Berre, le plus grand étang dʼeau salé d'Europe.

 

En 2004, la France a été condamnée par la Cour européenne de justice pour ne pas avoir adopté des mesures appropriées afin de lutter contre la "pollution massive et prolongée de l'étang de Berre". En effet, au cours du siècle dernier, lʼétang de Berre a subi trois transformations majeures : le développement sur ses rives de lʼun des plus importants pôles industriels pétrochimiques de France ; le déversement dʼeau douce de la Durance détournée pour alimenter la centrale hydroélectrique EDF de St Chamas et la forte croissance de la population des communes riveraines. Ces évènements nʼont pas été sans conséquences sur les milieux, devenus le réceptacle de multiples pollutions. Il faudra attendre les années 70 pour que les industriels et les communes prennent conscience des risques encourus par les populations locales et tentent de réduire leurs impacts.

 

Implantée sur le site de la Mède, au bord de lʼétang de Berre, depuis 1935, la raffinerie Total est lʼune des plus importantes de la région. Même avec une récente réduction de son activité suite à la crise économique mondiale, ce site produit 10% du carburant consommé en France et des produits dérivés utilisés par les industries françaises et allemandes. Cette raffinerie est lʼune des nombreuses installations classées pour la protection de lʼenvironnement (ICPE) en seuil Seveso haut du département.

Aujourdʼhui, Total consacre 40% (226 millions dʼEuros) de ses investissements annuels pour maintenir ces installations au niveau des exigences réglementaires tant vis à vis des populations (salariés et riverains) que de lʼenvironnement. Bien que limité par la raréfaction du pétrole, lʼactivité de la raffinerie est désormais géré de façon durable par le biais de ces différentes actions. Toutefois, les préjudices causés par le passé mettront du temps a être résorbés.

 

De plus, l'écosystème de lʼétang de Berre doit être appréhendé dans sa globalité. Les rejets dʼeau douce de la centrale électrique de Saint Chamas sont tout aussi destructeurs pour lʼenvironnement que les pollutions industrielles. Cʼest pourquoi, des restrictions sont imposées à EDF lʼobligeant à réduire la quantité de limons ainsi que le volume dʼeau déversés par la centrale. Des essais de lissage des rejets dʼeau sont également mise en place depuis 2005 afin de permettre le rétablissement et le maintien dʼun éco-système pérenne. De très faibles améliorations sont constatées mais la salinité de lʼeau est encore loin du niveau observé avant 1966, année de mise en service de la centrale électrique.

Lʼarrêt de celle-ci nʼest pas envisagé car elle contribue au mix énergétique durable et à la gestion des pics de consommations. Si la faisabilité de la dérivation des eaux du canal ensortie de la centrale a été démontré, sa réalisation nécessiterait des investissements importants amortissables sur plus de 20 ans. Les communes riveraines sont aussi la cause de pollutions. Les rejets dʼeaux usées entrainent lʼeutrophisation qui stimule le développement des algues et conduit à des crises dʼanoxie. Pour réduire ces impacts et être en conformité réglementaire, les communes ont mis en oeuvre un plan de mise en conformité technique des stations dʼépuration de 2004 à 2008.

 

Depuis 2000, un groupe de réflexion formé de communes, le GIPREB, a permis la mise en oeuvre de plusieurs de ces actions préventives et correctives. Cette structure de coopération intercommunale porte à présent un projet de développement durable autour lʼétang de Berre. Il sʼarticule autour de lʼamélioration de l'écosystème de lʼétang de Berre, du développement économiques des territoires riverains et des bénéfices sociaux qui en découlent.

 

Vers une urbanisation durable de Marseille

 

Les problématiques de cohabitation durable des industries, des populations et de lʼenvironnement se posent aussi au coeur de la ville de Marseille. S'étendant sur plus de 240 km2, la commune est enserrée par différents massifs et bordée par la Méditerranée.

Cette situation géographique particulière lʼoblige à gérer ses impacts sur lʼenvironnement, limite son développement urbain et la contraint à repenser lʼurbanisme existant.

 

La proximité de la Méditerranée est un avantage incontestable pour lʼéconomie de la ville et de ses environs mais impose une réelle gestion de ce patrimoine. En 2004, après avoir constaté lʼétat déplorable des fonds marins sur de très grandes surfaces au large des côtes des calanques, lieu de rejets des eaux usées traitées, la ville a lancé le projet Géolide. Conçu avec les meilleures techniques épuratoires du moment, ce complexe de traitement des eaux usées est fondé sur un respect total et durable de lʼenvironnement local. Géolide respecte lʼobjectif zéro nuisance visuelle, sonore et olfactive. Les deux sites de traitements physico-chimiques et biologiques sont situés au coeur de la ville. Ils constituent la plus grande usine enterrée de traitement des eaux usées du monde (30 000 m2). Lʼunité de traitement des boues est quant à elle localisée dans les calanques sur lesite réhabilité dʼune ancienne carrière. Le fonctionnement de Géolide sʼinscrit dans une démarche durable de préservation des eaux de baignade et des fonds marins. Il apporte la garantie de niveaux de rejets respectueux de la faune et la flore sous-marines.

 

Outre leurs effluents, les habitants de la communauté urbaine de Marseille génèrent plus de 38 000 tonnes de déchets par mois. Depuis mars 2010, ces déchets ne sont plus enfouis dans le centre de stockage de la Crau (plus connu sous lʼappellation « décharge dʼEntressen »).

Lʼenfouissement est maintenant remplacé par un incinérateur, un centre de méthanisation et plusieurs centres de tri. Le plan départemental d'élimination des déchets ménagers et assimilés met l'accent sur le tri et le recyclage des matières.

 

Les prix de revente des matières recyclables ainsi que les subventions dʼEco-emballage incitent les communes à la mise en place de collecte multiflux mais les habitants sont encore réfractaires à ces changements. De ce fait, les centres de tri ne fonctionnent pas à leur plein potentiel et la quantité des déchets à incinérer est supérieur aux volumes prévus et donc à la capacité de lʼincinérateur. Force est de constater que la gestion durable des déchets de la commune nʼest pas encore à lʼoeuvre et que les changements de mentalité seront longs. De plus, les 120 ha dʼenfouissement de lʼancien site dʼEntressen seront réhabilités. Après avoir retiré les produits dangereux visibles et connus, les déchets entassés sur plusieurs mètres dʼépaisseur seront recouverts de terre et de végétation. Le site sera surveillé pendant trente ans pour sʼassurer que les eaux de ruissellement ne viennent pas polluer les nappes phréatiques de la plaine de la Crau.

 

En terme dʼurbanisme, la communauté urbaine a établi depuis 2005 un Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) qui a pour objectif dʼassurer la cohérence des différentes politiques sectorielles qui participent à la gestion du territoire (Plan Local dʼUrbanisme, Plan Climat, Plan de Déplacements Urbains, Plan Local de lʼHabitant).

Le SCOT propose un Projet dʼAménagement et de Développement Durable pour les 20 années à venir. Ce projet devra relever plusieurs défis : la préservation des espaces naturels forestiers, maritimes et agricoles ; la nécessité du renouvellement urbain ; le renforcement de la dynamique économique et de la cohésion sociale.

Lʼapproche environnementale de la gestion du territoire a permis une prise de conscience de la richesse et de la typicité des milieux naturels présents sur le territoire de la ville. Il se concrétise par exemple par la création du Parc National des Calanques afin dʼen assurer la protection en les préservant des dégradations et des atteintes susceptibles dʼen altérer la diversité, la composition, lʼaspect et lʼévolution.

La situation géographie de la ville limite les politiques dʼurbanisme extensives et impose une reconstruction de la ville sur elle-même et la réhabilitation du patrimoine bâti. Cette contrainte associée aux ambitions de réduction dʼémission de gaz à effets de serre du Plan Climat de la Ville permet dʼenvisager un renouvellement urbain durable. Celui-ci sʼappuie sur la Charte Qualité Marseille pour lʼart de construire et d'aménager qui est composée de conseils pratiques destinés aux aménageurs et aux constructeurs. Ces recommandations devront nécessairement être adaptées aux particularités de chacun des projets d'aménagement. Certaines seront même imposées à lʼavenir dans le Plan Local dʼUrbanisme. 

Les choix d'organisation du territoire devront permettre un rééquilibrage des zones économiques afin dʼoptimiser la répartition des centres dʼemplois couplés aux lieux de vie en imposant des principes de densification autour des réseaux de transports en commun.

La densification urbaine doit permettre une meilleure gestion de la mixité des types de logements dans les projets immobiliers. Ce principe permettra de maintenir, et dans certains cas de créer, une cohésion sociale dans les différents quartiers.

 

Le développement durable de la région Marseillaise nʼa été envisagé réellement que depuis une dizaine dʼannées, dʼabord sur le plan environnemental puis plus récemment en interactivité avec les domaines économiques et sociaux.

Si certaines dégradations de lʼenvironnement ne sont désormais plus réversibles, les politiques, les projets et les moyens envisagés sont la preuve de changements profonds dans la gestion du territoire et ouvrent de réelles opportunités de développement durable.

 

Bruno Mondet, 26 mars 2011 - Tous droits réservés.

 

Publié dans Développement Durable

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